Justin Timberlake - The 20/20 Experience

C’était en 2006. L’avant-gardiste “Future Sex/Love Sounds“, opus truffé de tubes et qui se classait parmi ce qui se faisait de mieux en matière de pop-dance à l’époque, s’imposait comme la confirmation musicale pour Justin Timberlake. Et alors que le public attendait une suite musicale proche, ce fut le blanc de création pendant de longues années. Après une parenthèse cinématographique discutable, notre JT a donc mis fin à sept ans de hiatus en annonçant en grandes pompes la sortie imminente de son 3ème album, au titre ambitieux «The 20/20 Experience». L’objectif était clairement établi pour l’artiste, désireux avec cet album de tâter la perfection que ses deux précédents projets avaient manifestement manquée.

Malgré un “Suit & Tie“ dont la mollesse relative avait déçu nombre d’admirateurs du chanteur, l’album, concocté par deux producteurs dont le talent n’est plus à démontrer (Timbaland et J-Roc), était plus qu’attendu. Le bal s’ouvre donc avec “Pusher Love Girl“, dont l’introduction avec les cordes pourrait signifier l’achèvement théâtralisé d’une absence marquée. La production est enclenchée, et c’est parti, nous voilà plongés dans l’univers du disque.
Première impression : chaque titre qui s’enchaîne montre le boulot assez considérable réalisé par les producteurs. Timbaland parvient en effet à exceller en matière d’instrumentales, et il en était temps. On retiendra notamment le côté pesant et superbement léché de la production de Spaceship Coupe, l’atmosphère étrange et insidieuse d’un “Don’t Hold The Wall“ qui transpire d’excentricité, ou encore le côté épique et lumineux du single “Mirrors », pour sûr un futur carton. A côté de ces morceaux assez novateurs, s’invitent des titres plutôt orientés vers un registre pop-soul. Savourez la relecture réussie de Barry White dans un “Strawberry Bubblegum“ qui met en valeur un Justin langoureux, aux métaphores concupiscentes (“Si tu étais mon chewing-gum à la fraise, alors je serais ta sucette aux myrtilles“) mais infesté de classe masculine.
Langoureux à certains moments, l’interprète de “Cry Me A River“ sort l’artillerie lourde et joue la carte de l’enjôleur dans “Tunnel Vision“. Du classique JT, avec un refrain parfaitement maintenu et un gimmick musical à vous envahir le cerveau (I Know You Liiiiike It). Un Sexy Back 2.0, l’effet surprise en moins, l’esthétisme en plus. L’album regagne du dynamisme vers la fin grâce au dansant “Let The Groove Get In“. Le titre tire sa force de son originalité et remodèle avec classe un côté folklorique à la base prédominant (quand on voit sur quoi se base le morceau...).
Les titres se succèdent et on passe un agréable moment. Hélas, passé la deuxième moitié de l’album, force est de constater que l’ennui s’installe. Et perdure. La faute à la longueur (presque tout le temps) parfois inutile des titres. “The 20/20 Experience“ se constitue effectivement de chansons dilatées au maximum, atteignant pour certains les huit minutes, et qui rendent l’album difficilement écoutable d’une traite. Au vu de la longueur des titres, on aurait donc pu s’attendre pour chaque morceau à une partie exclusivement "tubesque", avant-coureur d’une autre partie plus expérimentale, où le talent des producteurs et de l’interprète serait véritablement dévoilé. Il est cependant indéniable de reconnaître qu’on est laissé sur notre faim. Les parties dites expérimentales déçoivent par leur côté répétitif, (mention spéciale à “Strawberry Bubblegum“) et l’on est tenté de passer à la piste suivante avant même la fin de l’autre. La volonté de proposer un projet "professionnel" et qui s’écarte des schémas classiques d’albums se ressent, mais ne suffit pas à justifier l’aspect fastidieux qui parfois domine.
Ce voyage (peut-être trop) audacieux s’achève néanmoins de la meilleure façon imaginable avec l’onirique “Blue Ocean Floor“. Cadre éthéré, production fragile, interprétation de qualité, le titre s’érige comme havre de raffinement et d’élégance et clôt l’album avec brio.
Et on comprend enfin la nature du pari de Justin. “The 20/20 Experience“, c’est l’expérience de marquer un come-back attendu depuis plus de 6 ans par un album ancré dans des racines r&b-soul. Pas de révolution, certes, mais un projet costaud et de qualité qui influencera peut-être la nature du style musical dominant dans les années à venir.
Un album qui signe la renaissance du r&b tout en proposant un son davantage moderne et futuriste, oscillant en définitive entre modernité et tradition. Et le pari semble déjà presque gagné d’avance, en témoignent les scores pharamineux qu’affiche l’album en à peine une semaine. La réussite commerciale de cet essai prouve qu’il est désormais possible de concilier qualité et succès et saura sûrement raisonner, je l’espère, les Usher, Ne-Yo et autres, égarés dans l’électro-dance au fast food depuis déjà bien trop longtemps.
17/20
Zuletzt editiert: 01.04.2013 00:21